Celui dont l’appétit pèse 400 millions d’euros - Entretien avec Laurent Plantier

Analyse

On a eu la chance de papoter avec Laurent Plantier, entrepreneur et cofondateur de FrenchFood Capital, un fonds d'investissement dédié à la croissance des entreprises du secteur alimentaire, et c’est passionnant.

Après avoir co-fondé Alain Ducasse Entreprise et en avoir été le directeur général, il a su marier sa passion pour l'innovation avec son engagement en faveur du développement durable. Début 2024, il a réussi à consolider 400 millions d'euros d'actifs sous gestion, grâce à l'intégration d'Agro Invest et à un partenariat stratégique avec Sofiprotéol.

FrenchFood Capital, lancé en 2017 par Perrine Bismuth, Paul Moutinho et lui-même, vise à devenir un leader dans le financement des entreprises alimentaires françaises innovantes. Il accompagne déjà  Class'Croute, les boulangeries Thierry Marx, Sophie Lebreuilly, Les 2 Marmottes, Chapon, Markal ou Rolmer. Branchez-le transition alimentaire ou rentabilité extra-financière, il vous racontera le reste…

État des lieux de la situation

La Gazette : Vous venez de vous renforcer avec 400 millions d’euros d’actifs sous gestion à investir dans la transition alimentaire mais, à chaud, comment ça se passe depuis la dissolution ?

Laurent Plantier : De manière générale, dès qu’il y a une incertitude dans l’économie, ça se grippe. Aujourd’hui on ne sait pas quelle va être la majorité, quel va être le programme économique, donc les choses s’arrêtent, les sessions s’arrêtent, les banques ralentissent très fort jusqu’à s’arrêter complètement. Les gens se disent pourquoi acheter un appartement aujourd’hui quand on ne sait pas quel ISF on va avoir ? C’est la même décision. Tout le monde cherche à reporter les décisions, au moins après le premier tour, quand on aura un peu moins d’incertitudes.

Le programme du Front populaire est clair, il est confiscatoire et pas en faveur des entreprises. Celui du RN n’est pas clair, on ne sait que peu de choses et ce qu’on sait et plutôt en faveur d’une augmentation des charges. Si on baisse la TVA, il va bien falloir la financer donc ce sera sûrement via une augmentation des impôts, que ce soit pour les entreprises ou pour les particuliers.

La Gazette : La restauration est particulièrement concernée par la main-d'œuvre étrangère, craignez-vous le scrutin qui vient ?

Laurent Plantier : Oui, car on peut dire qu’il n’y a quasiment pas un Français qui est plongeur dans un restaurant parisien aujourd’hui ! Il va donc y avoir un choc de réalité. On ne va pas renvoyer d’un seul coup tous les plongeurs de Paris. Il y aura donc un changement de politique, je ne vois pas d’autre possibilité.

Dans la restauration et les industries agro-alimentaires, c’est la même chose. Il y a beaucoup de travail de nuit ou dans des zones humides ou dans lesquelles il fait de 0 à 5 degrés. On a déjà beaucoup de mal à recruter même quand c’est bien payé. On recrute beaucoup d’étrangers. Je ne vois pas, quelle que soit l’issue du scrutin, comment il pourrait ne pas y avoir des tensions. Si le RN passe, on va avoir la gauche dans la rue, inversement si la gauche passe et si Macron est en tête on aura la gauche et la droite dans la rue !

La rentrée va sûrement être attisée par les leaders des différents bords qui n’auront pas eu ce qu’ils voulaient. Quand il y a un nouveau gouvernement il y a normalement une dynamique mais là je ne vois pas d’où elle peut venir, j’ai du mal à imaginer que les J.O vont tout faire oublier à tout le monde.

Ensuite, toutes les entreprises ne vont pas s’arrêter et les gens ne vont pas arrêter de manger, pour ma part je suis dans un secteur où l’activité ne s’arrêtera pas.

Sa vision pour demain

La Gazette : Vous investissez sur le futur de la transition alimentaire, comment le voyez-vous ?

Laurent Plantier : C’est un secteur qui est au cœur des tendances de consommation. Il y a deux manières de voir le sujet : il y a la crise climatique d’une part et l’augmentation d’une population qui vit de plus en plus vieux. Par ailleurs, c’est un secteur qui est particulièrement émetteur de carbone et ce que l’on mange a un impact important sur notre santé.

La jeune génération est, de plus, de plus en plus sensible à ces enjeux. Il y a donc une évolution évidente des manières de consommer, donc de produire. Si je passe le critère financier, car nous ne faisons pas de retournement donc nous n’investissons que dans des entreprises rentables.

Nous regardons particulièrement les entreprises qui savent s’adapter : il y a, par exemple, des problèmes de recrutement dans la restaurations, on le sait. Il y a donc de plus en plus de chefs qui font appel à des canards pré-découpés et il y a beaucoup de retard dans l’équipement des industriels. Les entreprises vont donc investir dans de l’équipement, du conseil. C’est tout un pan de l’industrie qui est en développement.

La Gazette : Quels sont les grands piliers de la transition alimentaire ?

Laurent Plantier : Il va falloir produire plus en polluant moins donc nous regardons les entreprises qui ont besoin d’être accompagnées dans cette transition. Les ODD de l’ONU sont clairs et il va falloir aider les entreprises à faire les mêmes produits en réduisant leurs émissions et l’impact sur la biodiversité.

Il s’agit de développer des machines moins énergivores et, plus généralement, de porter une attention particulière à la rentabilité extra-financière, qui est intrinsèquement liée à la rentabilité financière. L’erreur est de dissocier les deux car l’une emmène l’autre. Nous partons toujours du client et, de plus en plus, les clients sont sensibles aux conditions de production.

La jeune génération ne regarde pas seulement le prix et, à un moment, ils seront majoritaires donc il y aura une bascule. C’est ce qui est arrivé au ketchup Heinz : il y a eu une prise de conscience qu’il était mauvais pour la santé car beaucoup trop sucré et, presque du jour au lendemain, les ventes se sont effondrées ! La mise en place de bonnes pratiques est indispensable, j’en suis convaincu.

La Gazette : Vous ne souhaitez donc investir que dans des entreprises à impact ?

Laurent Plantier : Non ! Nous voulons investir dans des boîtes sur lesquelles on peut avoir un impact, que l’on peut transformer parce qu’en l’accompagnant dans la transition, on crée de la valeur. En investissant dans sa transition, on lui permet de devenir pérenne en toute transparence car alignée avec les attentes des clients.

On dit qu’il faut arrêter de manger de la viande mais il est évident que l’on ne va pas arrêter du jour au lendemain. On ne pourra pas l’imposer donc il faut s’adapter pour accompagner l’évolution. Je pense que 80% ou 90% des entreprises sont transformables donc elles méritent d’être accompagnées.

Il n’y a aucun dirigeant qui ne sera pas d’accord pour optimiser la logistique ou le transport car ça va dans le sens de l’économie, dans le sens de l’Histoire et dans le sens des consommateurs.

Investir aujourd'hui dans l'économie de demain

Inscrivez-vous sur Tudigo !

Créer son compte
Thématiques abordées
Interview
Investisseurs débutant

Découvrez nos levées à succès

Découvrir les levées
Visuel illustrant 3 levées de fonds à succès sur Tudigo

Une fois par mois, pour investir rentable, durable et responsable

Déjà plus de 23 000 inscrit.e.s à la newsletter de l’investissement engagé